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Entretien avec James Strauss, co-fondateur de l'association Sport Society

"L'association, c'est l'histoire de ma vie. (...) Tout ce que j’ai, je l’ai grâce au football. Avec cette association, je lui rends tout ce qu’il m’a apporté."



James Strauss est co-fondateur de l'association Sport Society, parrainée par Benjamin Pavard, qui propose aux sportifs un accompagnement socio-professionnel de qualité afin de construire un double projet, sur et hors du terrain. Elle les accompagne dans leur reconversion professionnelle, après leur carrière.


Il a gentiment accepté de répondre à mes questions sur lui, son parcours, son association, le but de son accompagnement et sur des enjeux actuels du monde du football.


Bonne lecture !


-Pouvez-vous vous présenter ?


A 15 ans, je suis entré au centre de formation de l’AS Nancy Lorraine pendant 5 ans. Tu vas te rendre compte que l’association, c’est l’histoire de ma vie.

Je n’y signe pas professionnel, je me retrouve sans rien et obligé de faire un choix. J’ai donc vécu dans le monde amateur football pendant 12 ans et arrivé à 27 ans, il a fallu que je fasse un autre choix. A l’époque, j’évoluais en National au Racing 92 à Paris.


Comme je n’avais pas fait d’études, je n’avais rien d’autres dans les mains que le football. J’ai donc négocié mon niveau de football avec un poste en collectivité. J’ai fait ma reconversion dans un service des sports d’une ville. Ça s’est fait tout simplement en regardant une annonce avec une offre d’emploi pour un joueur qui était un bon joueur de niveau national pour pouvoir se reconvertir au service des sports d’une ville, une petite commune de Bordeaux. Je suis donc descendu à Bordeaux et j’y ai fait ma reconversion. J’ai passé un brevet d’état, etc… et c’est là que j’ai commencé à avoir des diplômes, parce que je n’avais rien du tout jusque-là. La vie a fait son chemin et je me suis retrouvé à Marseille.


Ça fait 22 ans que je travaille à Marseille. J’ai fait 17 ans au département des Bouches-du-Rhône et maintenant je suis à la métropole Aix-Marseille. Je gère un centre sportif de 5 hectares d’équipements sportifs dans les quartiers Nord de Marseille.

Donc voilà ce que je fais depuis 22 ans ici.


Cette connotation insertion/inclusion par le sport qui est mon métier de tous les jours et mon parcours footballistique, ont fait qu’en rencontrant Joseph, l’agent de Benjamin Pavard, on a créé avec des amis une association qui s’appelle Sport Society. Cette association est née du fruit de mon expérience professionnelle, de celle de l’agent de Pavard puisqu’avant il était aussi éducateur à Sarcelles, et le lien entre les deux fait que depuis 2018 on a vraiment bien lancé l’association.

A ce jour, on a accompagné entre 80 et 100 sportifs vers des reconversions professionnelles.


-Comment est composée votre équipe ?


Au quotidien, on est 3-4 à gérer l’association. On fait également appel à 12 experts. Tous ceux qui font partie de cette association sont bénévoles à la base, mais maintenant on a un salarié et un alternant. Ce sont des bénévoles de « haut-vol », ça va du président au vice-président jusqu’au secrétaire. Ce sont des gens qui ont œuvré dans le sport, dans les grandes entreprises.


J’ai donc voulu créer une dynamique autour de cette association avec de vraies valeurs, qui sont les miennes, pour pouvoir accompagner au mieux les sportifs. Chaque personne peut apporter une expertise en fonction du besoin du sportif. Par exemple, tu as besoin de préparer un entretien professionnel, tu vas avoir l’ancien DG France LCL, du Crédit Agricole. Si c’est pour faire le deuil, l’échec d’une carrière sportive ou la fin d’une carrière sportive, ils ont affaire à un ancien joueur professionnel qui a fait une belle carrière comme Daniel Dutuel. Si c’est plus profond, il y a un psychologue du sport, s’il y a un problème de Droit, il y a un avocat du sport. Le salarié nous fait tous les bilans de compétences basés sur les neurosciences, ce qu’on appelle du profilage, pour savoir ce pour quoi le sportif est fait, vers quoi il faut qu’il aille tendre plus qu’autres choses, pour éviter tous les échecs.


-Quelles-sont les valeurs que vous défendez au sein de votre association ?


Les valeurs du sportif, ce qui plaît aux Ressources Humaines, aux Directeurs des Ressources Humaines, c’est-à-dire être à l’heure, savoir travailler en équipe, être motivé quelle que soit l’activité, se fixer des objectifs, les atteindre, ne pas avoir peur de l’échec. Pour nous, quand on s’engage, on va jusqu’au bout. L’être humain est plus important que le sportif ou l’entreprise. On travaille avant tout sur les valeurs humaines pour les transposer dans les objectifs de l’individu.


Donc c’est d’abord des valeurs humaines, de confiance. On se fait confiance et on se respecte. On est tous bénévoles, on n’est pas en quête d’argent mais on est là pour aider les sportifs qui sont en galère, et il y en a énormément.


-Comment peut-on expliquer qu’un sportif se retrouve dans une telle difficulté ?


Les sportifs ne savent pas se vendre, très peu le savent. Ceux qui bénéficient de belles reconversions à la base sont ceux qui sont sous la lumière des projecteurs. Pour ceux-là, c’est assez facile via la communication, etc…


Dans le football ou les sports méconnus, quand les sportifs ne préparent pas leur après ou leur pendant, ils ont des difficultés. Par exemple, un footballeur qui a fait 10 ans de carrière, quand il va se présenter devant une entreprise, l’entrepreneur va lui dire « qu’est-ce que tu as fait dans ta vie ? » et lui va répondre tout simplement « Bah, j’ai fait du foot ». Mais qu’est-ce que ça engendre d’avoir fait du foot depuis l’âge de 16 ans, avoir fait 10 ans de carrière, qu’est-ce que ça peut apporter à l’entreprise ?


On les prépare à mettre tout ça en avant, à l’expliquer et tout doucement à dire que faire 10 de carrière ce n’est pas donné à tout le monde. On peut avoir des compétences autres que n’importe quel individu. C’est une grosse valeur dans l’entreprise et on s’aperçoit qu’avec tous ceux qu’on arrive à faire rentrer, c’est une vérité.


Donc, ils ne savent pas se vendre, ils ne sont peut-être pas formés. En général, c’est comme moi, ils ont arrêté les études ou on leur a fait arrêter les études car il y avait un choix à faire entre la compétition et les études, et ça a été un blocage. Pour pouvoir prétendre à des métiers, il faut se reformer, il faut se remettre en selle, se remotiver, et c’est tout l’idée de l’accompagnement de Sport Society.


-Les joueurs sous les projecteurs sont donc très minoritaires ?


Bien sûr. Il y a des chiffres. Si on parle de football, puisque c’est mon sport, 3% des joueurs en France ou même au niveau mondial, n’ont pas besoin de l’association Sport Society parce qu’ils ont gagné suffisamment d’argent. Après il y a entre 10 et 15% des joueurs qui, s’ils gèrent bien leur argent et leur carrière, n’auront pas besoin de l’association. Mais par contre, 75% des footballeurs en France ont besoin d’aller travailler après leur carrière, parce qu’ils n’ont pas gagné assez d’argent pendant leur activité sportive. Pourquoi ? Parce que les carrières sont de plus en plus courtes : en moyenne, une carrière footballistique en France c’est 5 ans. Même quand tu sais que tu as des moyennes d’argent à 40 000€ par mois, en fonction du train de vie, sur 5 ans, tu es obligé d’aller travailler 20 ans ou 30 ans derrière.


Il faut savoir autre chose c’est que même parmi ceux qui réussissent dans leur carrière et qui ont gagné de l’argent, 50% d’entre eux font faillite pour diverses raisons.


C’est pour ça qu’on intervient aussi dans la prévention en faisant des acculturations financières, pour leur apprendre à gérer leur argent ou à comprendre comment gérer leur argent. On n’est pas là pour leur donner des ordres mais c’est pour leur faire comprendre comment s’organiser pendant leur carrière, avant, pendant, et après.


-Que pensez-vous du débat disant que les joueurs de foot sont trop payés ?


C’est toujours pareil, quand tu prends ce que rapporte le football mondial, ce que gagne un joueur de foot qui est quand même le premier acteur, celui qui fait vibrer le stade, et ce que ça rapporte aux institutions, aux clubs, ce que ça génère en argent, économiquement et socialement, tu te rends compte que le joueur est très peu payé.


C’est vrai que ça choque le petit salarié quand on parle de million d’euro, mais vu ce que ça peut générer comme argent, le joueur est peut-être le moins payé du microcosme footballistique.


Donc moi, les salaires ne me choquent pas. Maintenant ça choque vu l’actualité, mais quand tu sais que la carrière est très courte… Les 3% ont gagné beaucoup d’argent donc ils ont assuré 5 générations, mais il faut penser aux autres sports. On peut parler des féminines : j’accompagne un club comme le club de Soyaux qui sont en D1 Arkema, la moyenne des salaires est de 1400€-1500€ par mois. Automatiquement, ces filles-là sont obligées de préparer un double projet. Il n’y a que 2-3 clubs où les filles ne font que ça, mais les autres sont obligées de préparer un double projet. Alors imagine-toi au Handball, au Basket-Ball, au Volley-ball, où il n’y a pas de gros salaires, une fille qui fait de la planche à voile, … Là on accompagne une fille qui fait du squash, elle a 0 salaire. Ces athlètes sont en équipe de France, ils font des compétitions internationales, ils font les JO, etc … et tu t’aperçois qu’ils n’ont aucune aide.


Donc l’idée de l’association c’est de fédérer les entreprises pour pouvoir proposer des solutions en fonction du profil.


On propose 3 programmes :


D’abord, le programme « rebond ».

Il est destiné à tous les jeunes qui ont entre 18 et 22 ans, qui sortent des centres de formation. On les accompagne à penser à l’après. Le discours est complétement différent de celui qu’on a vis-à-vis des adultes. C’est dur parce qu’ils sont dans leur rêve et on ne veut pas le casser. On est là en prévention pour leur dire « attention il y a très peu d’élus ».


Ensuite, on a le dispositif « parallèle » qui permet justement d’être dans le double projet, ce que j’expliquais avec les féminines.



Enfin, on a le programme « transition ». Dans ce programme, on trouve des joueurs qui ont fait une belle carrière. Certains d’entre eux que j’ai accompagné ont fait 10-12 ans de carrière mais automatiquement derrière ils sont obligés d’aller travailler, notamment les joueurs de Ligue 2. En Ligue 2, ce sont des joueurs professionnels, des athlètes de haut niveau, mais ils ne sont pas reconnus en tant que tel et ont donc besoin d’aller travailler. Ce sont des gens comme ça qu’on accompagne, des joueurs qui jouent au Hand en L1, au Basket en Betlic,…


-Y’a-t-il un sportif que vous avez accompagné et qui vous a particulièrement marqué ?


C’est un joueur de foot qui m’a marqué par son changement de vie complet malgré sa belle carrière. Il s’appelle Liassine Cadamuro, c’est le mari de Louisa Necib (ancienne footballeuse internationale française) que j’accompagne aussi.


Liassine a été formé à la Real Sociedad, il a joué en Espagne pendant presque toute sa carrière, il est revenu en France, à Nîmes, et maintenant il est en fin de parcours dans le Sud.

Tout de suite, il a compris qu’il fallait qu’il aille travailler malgré l’argent qu’il a pu gagner.

Il ne savait pas ce qu’il voulait faire et notre accompagnement lui a montré qu’il y avait des métiers qu’il ne connaissait pas et qui correspondaient aussi aux valeurs sportives, comme le métier d’opérateur en fabrication de pétrochimie. Il est donc rentré dans l’industrie. C’est un mec qui a fait 10 ans de carrière, qui s’habillait avec les grandes marques, un international algérien, il a fait la Coupe du monde… et du jour au lendemain, il est passé des grosses marques de vêtements à un bleu de travail avec un casque et des lunettes, à aller dans l’industrie. Il m’a marqué parce que je n’aurais jamais cru qu’il redescende dans l’anonymat et dans l’industrie avec le niveau populaire qu’il avait. Ça a très bien marché pour lui, il est en CDI dans une entreprise qui s’appelle KEM ONE, et ils sont vachement contents de lui, et lui est super content de sa reconversion. C’est une belle histoire.


Il y en a plein d’autres mais lui ça m’a marqué car changer de vie comme ça, c’est extraordinaire.


-Quel lien faites-vous entre les Ressources Humaines et votre activité ?


On amène une autre façon de recruter avec d’autres personnes. Ce qu’on fait pour les RH, c’est ce qui est important à l’heure actuelle, c’est qu’on valide les savoirs-être. Ce qui est important maintenant pour les RH c’est de connaître la personne, parce que derrière les savoirs-faire, les entreprises maîtrisent. Ils te mettent en formation ou ils maîtrisent l’information dans l’entreprise.

Ce qu’ils ne maîtrisent pas, et c’est ce qui les met à défaut souvent, ce sont les savoirs-être et nous, dans notre travail on valide les savoirs-être.


Quand je présente un sportif à une entreprise, c’est qu’on valide le fait qu’ils n’auront aucun problème avec son comportement. Et ça, ça vaut de l’or. Souvent les entreprises recrutent sur des CV, ils vont payer une formation à un mec qui a fait bonne impression et 6 mois après, une fois qu’il a eu sa formation, il se barre. Ils ont donc investi 20 000 – 25 000€ de formation, pour un mec qui part dans une autre entreprise.


L’avantage RH pour nous c’est qu’on valide les savoirs-être et on pérennise dans l’entreprise.


-Comment vous projetez-vous dans les années à venir pour votre association ?


Il y a un énorme besoin, il y a beaucoup de sportifs qui sont en galère, il y a besoin de structures comme les nôtres pour accompagner tous ces gens-là.

Ce qu’on veut, c’est créer de vrais partenariats, apporter une plus-value dans le recrutement avec les entreprises. Du moment où on pérennise les partenariats entreprise, les partenariats club, les partenariats club sportif, fédération, etc… à partir du moment où ils vont nous financer pour pouvoir faire ce travail-là, nous on va pouvoir embaucher des gens et rayonner sur le plan national. A l’heure actuelle on est sur 3 territoires, les Bouches-du-Rhône, l’Occitanie et la Charente-Périgord, et bien-sûr un peu Paris avec Joseph qui est là-bas. On devrait aller à Strasbourg dans pas longtemps.


-Votre association, c’est ce qui vous anime au quotidien ?


Exactement. C’est dans mes veines, aider les gens, plus les sportifs qu’autre chose mais j’ai toujours fait ça depuis 20 ans, j’ai toujours accompagné des jeunes. J’ai été éducateur à la Castellane à Marseille pendant un an et demi donc mon métier c’est éducateur spécialisé dans le sport. Faire de l’insertion par le sport, faire des choses comme ça c’est ma vie, je ne vais pas changer à 52 ans.


Mon seul objectif et mon seul plaisir c’est de changer la vie des gens. Quelque part je sauve des vies en trouvant du travail.

Tout ce que j’ai, je l’ai grâce au football. Avec cette association, je lui rends tout ce qu’il m’a apporté.


-Et pour conclure, un mot pour qualifier cette interview ?


Sympa.


C’est sympa, c’est bien de s’ouvrir à des jeunes, on va dire, journalistes, comme vous. C’est important d’alimenter aussi des réflexions et de se faire connaître. Si par notre intermédiaire ou par votre intermédiaire, on peut faire du gagnant-gagnant en terme de communication, moi je prends, c’est toujours bon à prendre. Et si grâce à ton intervention et à ton interview on peut sauver 2-3 sportifs qui vont l’entendre et être intéressé par Sport Society, on aura gagné.





Un grand merci à James Strauss pour son initiative auprès des sportifs et sa disponibilité pour cette interview !

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