La victoire d'une équipe ne se joue pas uniquement sur le terrain mais dépend aussi de la qualité du staff qui est derrière les joueurs au premier plan. Victorieux de la Ligue des Nations, Franck Le Gall, le médecin de l'équipe de France, a accepté de répondre à mes questions sur son parcours, sa tâche actuelle au sein des Bleus, ses relations avec les joueurs,... Voici son interview avec Info Foot Monde, bonne lecture!
Pouvez-vous d’abord vous présenter et m’expliquer votre parcours ?
Je m'appelle Franck Le Gall. J'ai 57 ans. J'ai fait mes études de Médecine à Angers pour les 1er et deuxième cycles. J'ai fait ensuite mon internat à Rennes pour devenir MPR (médecine physique et de réadaptation, ndlr). En même temps que je travaillais en Rééducation fonctionnelle, j'ai passé 3 ans dans le service de Médecine du Sport du Professeur Pierre Rochcongar jusqu'en 1993.
J'ai passé ensuite 15 ans au centre Technique de la FFF à Clairefontaine où on a ouvert un centre de rééducation/réadaptation, travaillé avec tous les jeunes de l'INF et les joueurs des équipes de France et donné des cours à tous les entraîneurs en formation.
Je suis parti à Lille en 2008 pour suivre Rudi Garcia au LOSC avant de filer à Marseille et l'OM en 2017.
Je suis maintenant installé à Marseille en libéral en consultation de Médecine du Sport.
Pourquoi ce métier ? Et comment le définiriez-vous en 3 mots ?
Pourquoi ? Passion du football et de la rééducation
Définition du métier : passion, disponibilité et compétence.
Qui, au sein de la fédération, est chargé de votre recrutement ?
II n'y a pas une personne en particulier qui soit chargée du recrutement. Un directeur médical à la FFF fait le lien entre toutes les sélections, entre les staffs médicaux et les techniciens pour proposer des noms en cas de besoin. Après, les entraîneurs décident.
Quelle est votre journée type avec les joueurs de l’équipe de France ?
Une journée type en EdF, c'est soins et salle le matin, en tout début d'AM, juste avant l'entraînement, après l'entraînement et après le dîner. On intervient en fonction des besoins et des demandes. Besoins d'examens médicaux, radiologiques. Demande de soins ou soins tout simplement en cas de pathologie. On est présent près du terrain pendant les séances d'entraînement et on travaille à part avec les joueurs en réadaptation pendant la séance.
Comment définiriez-vous votre relation avec les joueurs de l’équipe de France ? Y’en a-t-il un avec lequel vous avez plus d’affinité ?
La relation est globalement très bonne avec les joueurs. Elle reste avant tout professionnelle, de médecin à joueur. Chacun à sa place. Il faut toujours en connaître les limites, même si évidemment une relation plus amicale se tisse avec le temps, fonction du tempérament de chacun.
Je pourrais citer beaucoup de joueurs avec lesquels j'ai plaisir à passer du temps, en fait la grande majorité, les champions du monde et les autres. Peut-être ceux que je connais depuis les sélections de jeunes quand j'étais encore à Clairefontaine comme Hugo Lloris, Karim Benzema ou Moussa Sissoko, ou ceux que j'ai connu en club comme Mike Maignan à Lille ou Adil Rami à Lille et Marseille. Mais les derniers arrivés comme Jordan Veretout ou Aurélien Tchouameni sont aussi très intéressants à côtoyer.
Et parmi les joueurs que vous avez côtoyés jusqu'ici, lequel vous a le plus impressionné ? (capacité physique, récupération...)
En club et en sélection, je dirais Mathieu Debuchy, Adil Rami, Blaise Matuidi, Franck Ribery, Ngolo Kante, Benjamin Pavard, mais il y en a beaucoup d'autres.
Et le cas le plus grave que vous ayez eu à traiter ?
Le cas le plus grave - pas facile, parce que dès lors qu'une pathologie s'inscrit dans la durée, ça devient un cas grave. Pour avoir connu les cas suivants, sans doute vaut-il mieux avoir une fracture de cheville avec un traitement relativement simple et un arrêt de 3 mois plutôt qu'une arthropathie de la 1ère MTP qui va empoisonner la vie du joueur jusqu'à la fin de sa carrière quand ce n'est pas un arrêt d'activité professionnelle. Sur un genou, dès lors que vous cumulez une rupture du LCA avec une lésion méniscale et une chondropathie, ça devient un cas grave.
Et comment jugez-vous le calendrier/rythme des matchs des joueurs de l’équipe de France et des autres équipes en générales ?
Le rythme est au minimum effréné pour les grands clubs entre championnat, coupes nationales et coupe d'Europe. Alors pour les internationaux c'est potentiellement 10 à 15 matches de plus dans la saison. Beaucoup trop au final. Il est important de pouvoir faire tourner les effectifs pour s'en sortir au mieux.
Et pouvez-vous être consulté lors de l’élaboration d’une liste de joueurs pour disputer les matchs internationaux ?
Oui bien sûr pour prendre des informations médicales sur des joueurs blessés, qui jouent peu ou pas. Il y a un échange avec les staffs médicaux des clubs, des données médicales et radiographiques si besoin. L'objectif est de savoir où se situe le joueur dans sa récupération et savoir s'il sera apte pour le rassemblement.
Votre plus forte émotion en équipe de France ? Dans votre carrière en général ? Vous voyez-vous continuer encore longtemps avec les Bleus ?
La plus forte émotion reste bien sûr le 15 juillet 2018 et la victoire en Russie. Quand on est passionné de football c’est une chance incroyable de pouvoir vivre ça de l’intérieur. Pour ce qui est de la suite, c’est ma dixième année avec les A de Didier Deschamps. C’est lui décidera d’abord de continuer ou pas après la coupe du monde au Qatar. Mais je me sens de continuer oui 👍🏻.
Et auriez-vous un mot un à me dire sur ce nouveau titre pour les Bleus ?
Never give up 🇫🇷
Pour finir, pouvez-vous me dire quelques mots sur votre livre (son contenu, ce qui vous a motivé à l’écrire ? Et quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui voudraient être médecin dans le football ?
Je prends du plaisir à écrire, comme à lire d'ailleurs. Il s'agit de mon quatrième livre. L'idée est de témoigner, pas de dire "c'est comme ça qu'il faut faire". J’ai eu envie de livrer 45 cas cliniques, comme 45 minutes d'une mi-temps, comment ils se déroulent en milieu professionnel, où on est pris par le temps mais où on a tous les moyens possibles pour bien faire : matériel, bilan radiologique, avis spécialisés ... Et j'ai proposé ces cas cliniques à la critique de chirurgiens, médecins du sport, kinés ... L'introduction est le fruit de mon expérience dans ce métier : comment j'en suis arrivé là, les aléas et plaisirs du métier, les statistiques médicales (type de blessure, durée d'arrêt ...) sur onze ans de pratique au LOSC et à l'OM.
J'aime beaucoup échanger avec les étudiants qui veulent faire ce métier. Les conseils tourneraient autour de la passion du football et de la compétition, de la compétence donc de la meilleure formation possible (traumatologie mais aussi physiologie de l'effort, échographie ...) et d'un peu d'expérience avant de se lancer chez les pros. C'est un milieu assez dur, avec beaucoup de pression (joueurs, entraîneurs, présidents, agents, préparateurs physiques ...), une exigence de résultats et une disponibilité de tous les instants. Mais pour un passionné comme moi et beaucoup d'autres, c'est magnifique de pouvoir vivre ça au quotidien au plus haut niveau
Et enfin, un mot pour qualifier cet interview ?
Formule agréable, question par question. Et questions pertinentes. Donc interview sympa à faire.
Merci de votre disponibilité et bonne continuation !